Un, par Mani Soleymanlou
Mani Soleymanlou : une passion pour le théâtre
Mani Soleymanlou est
Dramaturge : personne qui écrit des œuvres destinées au théâtre.
Je l’ai choisi malgré moi. Je pense que c’est ce médium-là qui m’a choisi. Je suis tombé dedans par hasard au secondaire, à Toronto. C’est l’histoire classique d’un prof de théâtre qui vient me chercher en me disant : « Tu as le goût de faire du théâtre? Il me semble que tu aurais du plaisir à le faire. » J’ai accepté un peu aveuglément.
Finalement, ce prof-là a eu raison! Il m’a amené sur scène en répétition, et je me suis vite rendu compte que j’avais du plaisir à le faire. Le reste a découlé de soi. J’ai mis mon bras dans l’engrenage de l’expression artistique, puis c’est devenu une passion réelle.Représentation : dans le contexte du théâtre, la représentation est le fait de montrer des gens de toutes les origines. Les spectatrices et les spectateurs doivent se reconnaître dans ce qui est présenté sur scène.
Au début, la décision a été prise parce que j’ai grandi en France avant d’habiter à Toronto. J’ai tout le temps été dans une école de langue française. Oui, la langue anglaise, la culture anglophone était dominante jusqu’à mon arrivée au Québec. Dans mon enfance, c’était Hollywood, puis la télévision américaine. Tu vieillis et tu lis. Tu comprends mieux les enjeux politiques et la réalité linguistique du pays. Lorsque tu commences à prendre la parole, comme avec vous, comme à la radio, comme à la télévision, tu te rends compte que c’est là où tu peux avoir une réelle influence. Je veux pendre part à la survie d’une culture et à son enrichissement. Forcément, j’y prends part en écrivant, en jouant, en exprimant un point de vue. Je contribue à la richesse de ce qui me précède. Pour moi, le théâtre devrait en prendre soin.
J’essaie d’être passeur de ces choses-là et de m’assurer que mon fils a d’autres options relatives à la culture francophone. C’est la langue qui a forgé mon esprit et qui continue à le forger.
C’est plein de choses. Souvent, les gens séparent le travail de l’artiste et le travail de directeur artistique, alors que, pour moi, c’est la même chose. C’est un
Instinct : intuition spontanée et naturelle qui pousse quelqu’un à se comporter d’une certaine façon.
Le théâtre que, moi, je fais est intimement lié ou connecté à la société et au monde dans lequel on vit. Ce que je tente de mettre sur la scène, c’est une façon d’apprivoiser le monde ou de le questionner. C’est instinctif. Je me trouve aussi dans ce poste de directeur artistique parce que je fais partie de mon époque. Le théâtre est un outil social puissant.
L’identité, le rapport à l’autre, le vivre ensemble : ce sont des sujets qui sont brûlants d’actualité. On est là-dedans. Politiquement, médiatiquement, on ne cesse de nous diviser et de nous séparer les uns des autres. On dit que c’est la faute de tout. Tout, sauf parler des vrais problèmes. Mon job, c’est d’essayer de replacer un peu le point de vue ailleurs. Il est important pour moi de faire du théâtre populaire, dans le sens noble et propre du terme. J’ai envie de ce théâtre-là qui s’adresse à tout le monde, qui met en scène tout le monde et qui met en vedette notre époque. C’est ça la tentative. Souvent, on sépare le Théâtre de création : aussi appelé théâtre expérimental, type de théâtre présentant des œuvres originales, qui sortent des sentiers battus et qui peuvent bousculer les conventions du théâtre par la thématique ou la mise en scène. Théâtre populaire : style de théâtre qui utilise un langage familier et des références liées au quotidien, s’adressant à tout le monde, peu importe les classes sociales.
Il y en a plusieurs. Avec mes trois premières pièces, Un, Deux et Trois, j’ai eu la chance de visiter plusieurs pays. J’ai eu la chance d’aller à la rencontre de très nombreux spectateurs, d’énormément de langues, de réalités, de vérités, de doutes et de questionnements. Je suis très fier de la première partie, Un, qui existe depuis 2010, parce que c’est ma première pièce de théâtre, et ça reste encore le cœur de toute ma démarche artistique. Je la joue encore et je vais encore à la rencontre des gens. Ça représente très bien l’accident de parcours qui est ma vie. Ce n’était pas censé être ça. C’était censé être un soir, puis c’est devenu maintenant ce que c’est devenu. L’instinct a opéré. Je suis toujours heureux lorsque l’instant opère.
Visionne la vidéo ci-dessous pour découvrir un aperçu de la pièce de théâtre Un.Je n’ai pas de processus en particulier. C’est juste que ces idées-là… le feu est tout le temps allumé. Cela mijote à feu doux, et à un moment donné, tu fais : « Ah oui! ça, ça pourrait être intéressant! » Puis là, tu y vas. Je laisse mariner longtemps, j’en parle longtemps de l’instinct, de l’intuition.
J’en discute avec des gens, je fais comme : « Ah, mais, ça, qu’est-ce que tu en penses? Il me semble que… » Puis, à un moment donné, tu dis : « Let’s go. On essaie. » Après, ça a tellement mariné longtemps que la mise en application se fait rapidement. Ça n’arrête jamais. Je n’ai pas de processus autre que laisser mariner ces idées-là. Mon travail est intimement lié au quotidien, à ma vie, et donc à la société et au rapport à l’autre. Tout est matière à théâtre.
Pour celles et ceux qui veulent se lancer dans le domaine artistique, la prise de risques est gigantesque et elle est indissociable du
Geste : dans cette phrase, le mot geste signifie l’action de prendre un risque, de se lancer dans le domaine du théâtre à temps plein. Stigmatisation : du verbe stigmatiser, ce qui est considéré comme non acceptable, que l’on doit mettre de côté.